dimanche 3 septembre 2023

J'ai retrouvé une petite histoire que j'ai écrit, je ne sais plus quand ...

 


L’enfant de Gisèle.

Louise, vivait dans un village du sud ouest de la France avec ses deux jeunes enfants, tout en haut de sa butte, dans la rue du calvaire.

On pouvait accéder à sa maison et à son atelier de couture par différents escaliers.

A chaque escaliers, il y avait des escales sur trois niveaux, de toutes petites ruelles en parallèles, d’où les anciens, de leurs portes face à face, pouvaient le soir à la fraîche, assis sur leurs chaises de paille, parler du bon vieux temps.

Au premier niveau par le bas, vivait une femme d’une quarantaine d’année, avec un look un peu gothique, fine et grande avec de très longs cheveux bruns.

Elle se nourrissait de brèves, lues dans le journal Détective ou bien dans la Dépêche du midi et ne manquait pas, au moins trois fois par semaine, sur les coups de deux heures à l’ouverture de l’atelier, de venir faire des résumés a Louise, sur des crimes et faits divers, plus atroces les uns que les autres.

Elle s’était attaché à Tom qui souffrant d’une maladie rare, était plus gros que les autres enfants, et du coup, la risée des gamins du village (bien que protégé par les profs de l' école primaire, par la majorité des parents et par le Maire.)

La femme au look gothique avait un fils qui était grand, fin, avec les cheveux noirs corbeau tout comme sa mère.

Toujours le nez dans ses bouquins on ne le voyait pas beaucoup dans les rues du village, un peu écorché, abandonné par son père il baladait son indifférence :

 Les mauvais coups, les lâchetés, quel importance! * (1)

Il étudiait le droit, il visait le master et voulait être juge des tutelles au tribunal d'instance de Toulouse.

La voisine du premier niveau par le bas, s’appelait Gisèle, elle grimpait les escaliers comme une gazelle, au passage elle prenait Tom qui l’attendait de pied ferme et ensemble, ils montaient le long chemin du calvaire qui, par les jours de printemps était bordé de lilas.

 Tout en haut, sous la grande croix, elle lui racontait l’histoire du petit jésus  en commençant par les soldats romains qui, avant de le clouer sur la croix, par les mains et sur ses pieds croisés, se moquaient de lui et de sa royauté, en le coiffant d'une couronne garnie d'épines.


Louise ne savait pas trop sur quel pied danser,  mais son gamin qui avait eu le crâne ouvert façon trépanation -truc qui consiste à percer la boîte crânienne pour atteindre le cerveau- n’était pas choqué plus que ça, par cet homme cloué, grandeur nature, sur cette croix.

Pendant toute la convalescence de Tom, ils ont monté la butte, plusieurs fois par semaine pour, disait elle, qu’il perde du poids.

Tom ne se vexait pas, elle était gentille... 



Puis Tom est retourné en classe, Ghislaine venait de moins en moins souvent à l’atelier, mais Louise et elle avaient toujours des échanges sympas quand elles se croisaient.

Quelques temps après leur dernière rencontre, un samedi en début d’après midi, l’adjoint au maire du village, est venu frapper à la porte de l’atelier.

Quand Louise a ouvert, des cris inhumains résonnaient dans les escaliers, les villageois étaient atterrés, sur tout les paliers.

Habituée aux grâces matinées réparatrices du futur juge des tutelles de tribunal d’instance, sa mère ne l’avait pas dérangé, mais à treize heures, comme il n’était toujours pas debout, elle s’est approché du lit pour le réveiller.

Il était paisiblement allongé, simplement comme ça, sans souffle, sans vie.

 Le service du coroner a mené une enquête pour ce décès, cette mort inattendue, suspecte, mais elle était juste soudaine, inexplicable, naturelle.

Les villageois ont été généreux, tous ont donné, les riches, les pauvres, tous ont contribué et mis des sous dans la boite qui tournait de maison en maison, pour que Gisèle puisse régler les obsèques et tout ce qui va avec.

Le jour de l’enterrement, elle était assise à l’arrière d’une voiture, une jambe sortant de la portière, les deux mains accrochées au repose tête du siège avant, elle hurlait, secouée de sanglots: ‘’non non je ne veux pas y aller, non non, c’est pas lui, c’est pas lui, je ne veux pas y aller c’est pas lui...’’

Louise ne s’est pas approché de la voiture, elle n’avait pas les mots, de toute façon Gisèle ne l’aurait pas vu, elle était ailleurs terrifiée, terrifiante. 

Durant les mois qui suivirent, les rares fois ou elle descendait l’escalier, elle ne levait pas les yeux, sans son enfant, elle n’était que chagrin.

Louise se sentait coupable d’avoir toujours son Tom, sauvé de justesse de sa tumeur au cerveau, riant et mordant la vie à pleine dent.


Et puis, un jour de l’année suivante, alors que Louise roulait en voiture sur la route qui mène à la gare, elle a reconnue sa silhouette, son look un peu gothique, fine et grande avec de très longs cheveux bruns. Elle marchait sur le bas coté de la route étroite et sans trottoir, un homme élégant tenait son bras.

Il avait la même taille, la même silhouette. C'etait la copie conforme de son fils, le père était revenu.


*(1)Gilbert Bécaud – L'Indifférence.

jeudi 20 juillet 2023

Dans le Blog de Gregoire Delacourt .

J’avais évoqué ici, en mars 2021, un étonnant petit roman de Michelle Brun, La Providence, et voilà qu’elle a la gentillesse de m’adresser son épatant dernier opuscule : Tom et Louise et les hurlants de la rue Edmond Rostand*.

Ce qui, immédiatement, et dès la couverture, m’a fasciné dans le titre, c’est cet adjectif dont on ne sait pas s’il renvoie à un texte fantastique aux curiosités du dix-neuvième siècle et leurs auteurs — Poe, Brontë —, ou à une bête, un monstre, un fantôme, jusqu’à ce qu’on découvre, et c’est bien pire, qu’il définit des voisins. Des salopiauds de voisins. Ceux de l’appartement 7, capables d’attacher et de laisser crever leur clébard sur le balconnet, crier le chiard, jeter leurs immondices par les fenêtres, injurier, menacer, frapper, casser, hurler et terroriser tout un petit immeuble (dont les émouvants Tom et Louise), cette petite communauté aimable et désemparée dont les appels répétés au secours auprès du syndic, de la police et de la mairie restent lettres mortes. Et le resteront longtemps.
Je ne sais pas dans quel contexte Michelle Brun a écrit cette histoire (en deux petits tomes, comme le Tom du titre), mais il faut reconnaître qu’elle fait un glaçant écho à la situation actuelle dans bien des immeubles de cités et souligne, s’il en était encore besoin, l’illusionnisme de l’utopie de la Cité Radieuse et le triomphe de la bêtise (bêtise comme bête, bête comme aveuglement, aveuglement comme politicien) : celle qui consiste à se coucher devant un seul hurlant plutôt que de protéger, et donc d’aimer, l’immense masse des silencieux.

*Il semblerait que tout récemment, not’bon président préfère que l’on utilise l’expression « Faire nation ». Bon, si ça lui fait plaisir.

* Tom et Louise et les hurlants de la rue Edmond Rostand, (tome 1 et 2), de Michelle Brun. Édité par l’auteur. Pour le commander : michelle.brun@orange.fr

lundi 22 mai 2023

Reçu ce jour de la part d'un écrivain

 

« Tom et Louise et les hurlants de la rue Edmond Rostand » Tome 1 et tome 2.

 

        Chez Michelle Brun, on ne traîne pas. Dès les premières lignes, le décor, les personnages, les lieux sont plantés. « Tom et Louise , mère et fils ont emménagé à la mi-février dans un appartement du quartier Nord de Toulouse, rue Edmond Rostand ». Mère et fils vont avoir affaire à un couple hurlant dans l’appartement sept.

La fiction de Michelle Brun va suivre la vie de cette mère (Louise) et de son fils (Tom). Ce sont les imprévus de leurs vies qui vont donner le rythme à cette fiction condensée en 2 petits tomes et la rendre originale. Ces imprévus demandent à être constamment surmontés. D’abord par l’écriture qui les rapporte. Une écriture qui est comme une nécessité mais d’une nécessité discrète, jamais ostentatoire.


        Toute l’écriture de Michelle Brun est obsédée par ce rythme de vie non choisi mais subi. La matrice autour de laquelle tout tourne reste la présence, l’omniprésence (dans le Réel et dans l’imaginaire de Louise) de ce couple qui occupe cet appartement où pleure trop souvent une enfant et où jappe sur le balcon un chien aussi bien le jour que la nuit.

 La fiction ne fait pas qu’énumérer les choses qui arrivent. Il ne s’agit pas d’un inventaire. L’écriture de Michelle Brun met en scène la vie quotidienne, choisit de trier les « événements » pour permettre d’adoucir et de supporter la fureur des ces « hurlants ». Nous, lecteurs, sommes souvent effarés devant cette accumulation d’horreurs. Nous sommes comme dans un Opéra maléfique où les scènes et les actes se succèdent sans espoir que cette situation s’améliore.


Il est cependant des espaces de respiration, interstices qui rendent la vie supportable. On devine la joie derrière une amie qui promène son chien au Parc, derrière une visite de Maxime sa fille, derrière un anniversaire, derrière la rencontre avec un voisin agréable. Tous ces moments s’accompagnent d’une chanson, d’un refrain, d’un concert d’Indochine, d’un film ou d’une émission de télévision. Petits bonheurs que Michelle Brun décrit à la va-vite mais qui ont leur importance dans la fiction.


Ainsi la tonalité du livre demeure vivante, non-désespérée. Car c’est bien la force de Louise (Michelle ?) que de rester debout, de ne pas souvent fléchir, de continuer de prêter attention à l’autre – même quand la mère de Tom continue de s’interroger sur le sens de cette haine que les voisins vouent au monde entier.


On comprend alors que ce n’est pas seulement la fiction qui suit la vie de Louise mais aussi – en sens inverse – c’est la vie qui alimente la fiction. Tous ces allers-retours rendent ce cycle à la fois infernal et tendre : cycle finalement humain, trop humain qui emmène le lecteur et la lectrice à être en empathie, toujours du côté de Louise et de son fils Tom.